pleine bruine (impromptu)


il aurait fallu ne jamais parler d’amour, n’en jamais parler, on aurait fait comme si cela n’existait pas, on aurait remplacé tout ça par des fuites d’eau, des silences mâchés,
on aurait inventé quelque chose d’autre à la place, quelque chose que nous ne connaissons pas et qui nous manque probablement terriblement.

..puisqu’on parle d’amour et que ça nous bouche la vue.
on aurait trouvé une autre chose dont on n’imaginerait pas pouvoir se passer,
si ce déluge n’était pas passé par là, et on la verrait émerger sur un bout de terre ferme, une roue nouvelle, la nouvelle collection des vestiges

il aurait fallu n’en jamais parler, mais peut-être n’est-ce pas trop tard, le chanteur va s’interrompre, il a trouvé une occupation, une fille à embrasser sans rien dire, juste en regardant sa gorge vaciller

il aurait fallu des orages, longs, des laves, le mystère de ta présence et la mysère de ton absence sans rien comprendre à tout ça,
comme une éternité un peu chancelante, tardive, mise à mal, « en l’absence du châtelain »

on aurait écrit des histoires de cette autre chose 

..mais je sais, moi, ce dont je ne peux me passer, cette sonate, ce rire un peu vulgaire qui tombe d’une fenêtre, les goûts accumulés au long d’une nuit, regarder tes avant-bras, et comment roule la bille de ton œil, ou lorsque tu transpires,
et ainsi, ensemble, nous pouvons nous passer des grands mots