de mes mensonges et de deux cigarettes


tout à coup, il n’y a plus d’heure classique. j’ai passé toute la journée à m’éviter. à la table ronde d’une terrasse ; devant les cadres des tableaux à la beauté trop grande, dévorante, ogre à faire de l’ombre ; oublié bienheureux parmi la foule bruyante d’une brasserie. j’ai fini par rentrer entre deux colonnes de nuées. j’avais bien le sentiment d’une colère, d’une sorte de gâchis, d’une tourmente mi-figue qui me liait les mains, ou me cousait les lèvres ; dîné simplement de mes mensonges et de deux cigarettes ; et puis dans un jet de secondes, au moment où il est déjà trop tard et qu’il n’est plus possible de fuir en autre chose car, et bien, tout le monde est parti, la scène est déserte, il n’y a plus rien à regarder que moi-même, à qui je fais face, reflété sur le poli de tout ce métal qui m’entoure, il n’est plus possible de trouver la porte, l’angle de sortie. alors, semble me dire mon regard croisé ça et là, « alors, tu vas la dire, ta chose.. ? »

circulation pourtant immobile


des trucs comme ça. regards jetés à travers le bar qui ne ferme jamais. pas encore l’heure de déserter. je feins des césars cannibales. cheminer, secousses, gommes à mâcher. borde, il où est le texte en soi. pas toujours axé facile. la télécommande, majuscule, une divinité de perdue. pourquoi fait-elle, la bouteille, deux tours sur elle-même en tombant dans le vide? est-ce un signe en ciel, l’heure de se ganter, une chronophobie ?… aurait-on dû voir quelque chose, à travers ton cri d’aiguille ? et que transpercent les secondes ? je me retrouve et je me relâche dans la nature. soyons intra secs ! genre légère caresse sur la peau, mais la peau d’hier. quelqu’un a appuyé sur le déclic. je suis comme une résine synthétique, la modulation de ta poche, un fouillis de haute fréquence. enfin, dans l’enfin parfois (où tourne un diamant). je promène des seulements en laisse, et ils me sèment. je change les tableaux, tous les jours, histoire de ne plus reconnaître mes murs, ni ce qu’en pensent les sentiments.

une pensée qui soulage : celle de cette voiture qui fait une boucle, toutes les nuits, long parcours qui tourne dans la ville qu’elle déflore. guidée par les lueurs, stable, elle avance sans faillir, belle et seule sur le ruban. je la vois passer plusieurs fois par fenêtre. un jour (une nuit) je l’emprunterai, et je suivrai mes progrès de bitume.

tout est vrai


Il y avait des rues désertes et des rues pleines. Mais Paris me semblait vide, j’ai eu plusieurs fois cette impression ces derniers temps. Sinon vide, très ralentie, cathédrale. Je ne sais pas, question de moments, de carrefours.
Peut-être que quelqu’un n’a pas encore joué son coup.
J’ai trouvé que les mannequins étaient un peu tristes dans leurs vitrines, je ne sais pas, question de circonstances d’un premier jour de soleil. Le soleil porte toujours déjà la trace de sa disparition. Et peut-être avaient-ils tout simplement envie de sortir à la lumière. Il y avait beaucoup de robes, j’ai remarqué les robes en premier, bien avant l’air des mannequins dont j’aime toujours le beau visage plastique. Il y a tant à écrire sur les robes. Mais cela, pour commencer : les bruits multiples des robes.

Dans une galerie. Un homme perplexe devant un tableau se demandait à quel moment les personnages allaient y entrer pour y figurer. Il regardait et disait à voix mi-basse, désarçonné : « les personnages, où sont les personnages ? »
Il ne savait pas que je l’entendais, ou bien s’en foutait, ou il savait que j’allais réutiliser sa phrase.

Moi aussi, j’étais dans cette même galerie, et une femme est venue me serrer la main. C’était la peintre, elle aimait comment je regardais ses tableaux. On s’est observés pendant quelques minutes, j’ai essayé de la voir comme à l’instant je regardais ses peintures. Du reste elle portait un parfait maquillage, avec de beaux yeux de peintre qui imaginent tout. Pendant qu’on se dévisageait, les tableaux nous regardaient nous taire.
Il y avait aussi d’autres tableaux, très noirs : des femmes en robes sombres, et toujours de dos. Vraiment.

Me revient quelque chose que j’ai entendu, aussi. À une terrasse de café, je crois ? Ça me paraît quand même un peu bizarre. Ou alors c’était dans un rêve, franchement, là, je ne sais plus du tout. Mais je vois bien ces deux types. Ils parlent d’avocats aveugles dont les réunions se passent dans le noir. Il y a des sous-entendus qui m’échappent.

Je me sens comme soulagé de vidéos que je n’aurais pas regardées (sentiment un peu confus, mais c’est ainsi) ; à la place j’ai regardé des photographies de Robert Walser.
J’aimerais bien avoir le portrait de Robert Walser peint sur un oeuf.

J’imagine et envisage d’écrire une « Histoire du Cinéma les Yeux Fermés ».

reconstitution

(brouillon)

à la place de [autre chose], écrire quelques mots en vitesse parce que la faim ou la lassitude (d’une seule journée, d’une heure précise et passante), juste pour rattraper… comment se dit « rattraper » dans chaque langue que je ne connais, pas, tout ce que j'(e r)attrape ce sont ces trains de songe, langes désenvoûtés,

j’ai rêvé, cela me revient, d’une robe compliquée où tout ne tenait que par la main longue et fine (d’une femme sans visage) retenant en un point précis tout l’écheveau compliqué des fils, des tissages et textiles, qui aboutissaient donc tous à ce point précis sous l’index appuyant légèrement (à peu près au niveau du coeur, de ce genre de pression légère qui fait monter un peu le sang à la surface) (et où ne désire que l’aiguille)

si l’index avait abandonné un instant ce noeud (où rien n’était noué, seulement tenu), tout se serait défait du vêtement de cette femme sans visage

et pourquoi ne pas voir tout, c’est-à-dire en premier lieu la musique, comme cette chose, tenue par à peu près rien mais quand même retenue

ou bien ces tableaux de couleurs assemblées, vives, personnages de dos dans des couloirs et des intérieurs dérobés, chaque couleur se taisant à la place de l’autre (couleur, personnage) (l’autre personnage, le personnage invisible, vu seulement pas le personnage visible (visible mais masqué, de dos, cherchant à sortir de la pièce par la coulisse (qui sans doute n’existe pas (le drame des tableaux))))

(dans l’exposition les gens se pressaient devant les tableaux, je ne pouvais jamais en voir un seul en entier, dans sa globalité, j’agrégeais les pans accessibles à mon oeil de différentes oeuvres, selon un collage dans l’espace (par voisinage sur les cimaises ou par mouvements rapides de l’oeil à travers la salle ovale de l’exposition, grouillante de monde)

(à reprendre, moins vite, au trot, à suivre, donc)
(cumatium cimaise / échine du chapiteau ionique)