20160209


04H25 dans le silence le plus complet. « Refus d’étagères », me dis-je, confusément en m’éveillant. J’aime bien ces formules obscures qui prennent naissance dans le sommeil et qu’on cueille au réveil ; peu importe. Un peu de somnolence pour un peu de réveil. La pluie m’est témoin. Je me souviens tout à coup de ces règles larges en plastique orange, très souples, qui contenaient en creux toutes les lettres de l’alphabet qu’on pouvait ainsi tracer en en suivant les contours au stylo. Une sorte de règle pochoir. Je cherche le mot qui désignait ce plastique, ce genre de plastique, synthétique, cristalline, je vois très bien ces règles larges, pas très pratiques à utiliser, fastidieuses, acrylique, je pense à acrylique, des règles en acrylique. Est-ce que cet outil existe encore, en vend-on encore, translucide acrylique. Qu’il fallait tenir fermement sur le papier, et tracer une lettre après l’autre. Traces du rêve au moi acrylique, voilà.

journée, ou rêve, je ne sais plus


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journée, ou rêve, je ne sais plus.
pas sorti. j’ai reposé mon corps sur la fourrure synthétique pendant une bonne partie de la journée. j’ai exécuté avec brio une seule chose : négliger d’appeler quelqu’un. je ne parlerai à personne aujourd’hui, j’ai décidé. je ne ferai que tordre des bribes de pensée comme des poupées qu’on écartèle.
excellente surprise d’une découverte de placard : des légumes sous-vide, d’une couleur de chairs molles dans leur plastique à l’abandon, se sont révélés à la fois souples et fondants, une fois sortis de leur gaine.
sur le lit face au plafond, j’ai échafaudé plusieurs strates d’un raisonnement (nota : sans intérêt particulier), le poussant dans ses retranchements jusqu’à ce qu’il s’écroule de lui-même.
c’est trop fatiguant de chercher les choses en soi, on ne trouve jamais rien dans ce bordel. tout est vague et horizontal.

j’aime qu’une musique, quelque part, tourne pour rien, et cela pendant des heures, sans que personne ne l’écoute, mise en repeat. j’y trouve un plaisir particulier ; c’est comme si je torturais doucement le silence qui m’en fait voir toujours de plus belles.

puis, un murmure :

de profil dans le miroir
face à la fenêtre noire
j’écoute une chanson constituée du seul mot « girl »

je suis si fatigué
mais dans ce refus du sommeil
— très peu de moyens pour un maximum d’effets —
j’attends la visite de tous les temps passés

comme le regard est sérieux, de face, dans le miroir ;
sous ta langue est caché un ressac sorcier
qui te fait toujours dire : « Jamais ! »

circulation pourtant immobile


des trucs comme ça. regards jetés à travers le bar qui ne ferme jamais. pas encore l’heure de déserter. je feins des césars cannibales. cheminer, secousses, gommes à mâcher. borde, il où est le texte en soi. pas toujours axé facile. la télécommande, majuscule, une divinité de perdue. pourquoi fait-elle, la bouteille, deux tours sur elle-même en tombant dans le vide? est-ce un signe en ciel, l’heure de se ganter, une chronophobie ?… aurait-on dû voir quelque chose, à travers ton cri d’aiguille ? et que transpercent les secondes ? je me retrouve et je me relâche dans la nature. soyons intra secs ! genre légère caresse sur la peau, mais la peau d’hier. quelqu’un a appuyé sur le déclic. je suis comme une résine synthétique, la modulation de ta poche, un fouillis de haute fréquence. enfin, dans l’enfin parfois (où tourne un diamant). je promène des seulements en laisse, et ils me sèment. je change les tableaux, tous les jours, histoire de ne plus reconnaître mes murs, ni ce qu’en pensent les sentiments.

une pensée qui soulage : celle de cette voiture qui fait une boucle, toutes les nuits, long parcours qui tourne dans la ville qu’elle déflore. guidée par les lueurs, stable, elle avance sans faillir, belle et seule sur le ruban. je la vois passer plusieurs fois par fenêtre. un jour (une nuit) je l’emprunterai, et je suivrai mes progrès de bitume.

mots interdits pour un montage de film (programme)


intertitres, cartons des paroles d’une vieille chanson. des choses tremblent. monde énorme et clos. les visages pour basculer d’une chimère à l’autre, des visions, des propositions délirantes. chutes, d’eau, de cheveux, déclinantes. boucles courtes qui oscillent. la fille qui court. des petits bouts de paysages déchirés et déposés-là, pareil pour la peau ou les visages. comme des découpes de lumière par les ailes de l’oiseau toujours invisible. cris-d’animaux-off. filets tendus d’un bout à l’autre. immenses fougères-bras qui balaient le visage de la passante. ses clavicules sont une forme de politesse vaine. pourquoi caresse-t-elle ainsi l’eau qui s’ennuie ? le trouble touché des doigts. elle frotte son dos aux dos des arbres. sa robe tombe et se mouille. fleur synthétique au cœur luxuriant. entrain désespéré de la prière sans objet. on ne voit pas si elle pleure car elle est trop loin, allongée sur la pierre. l’ombre d’une feuille d’arbre qui masque l’œil. épaule dénudée qui ne veut rien surtout pas de main. la musique revient deux fois sans aller par la même gorge. lumière cassée à fronces blanches, noir narcisse où plus rien ne passe.

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