20160610 perfect kiss


je m’éveille et je commence à rêver.
comment la forme petite devient plus grande qu’elle-même, tragique à sa façon ? quel est le secret du charme ? des questions comme d’un parfait baiser.
mes meilleurs moments sont des dixièmes de seconde d’intuition qui échappent à la parole et qui me prennent par surprise : lyrique, prêt à partir. mais la seconde d’après qui s’éternise, j’ai le bec cloué, les genoux au sol. il me semble qu’on va m’enchaîner les poignets ou me faire un procès. la raison : à force de mentir sur mon âge, je ne sais réellement plus quel est mon âge. une certaine idée de la vitesse : aller plus vite que les années. une certaine idée de la vitesse : quand la pluie ou les larmes se transforment en armes, en pierre, en roman.

20160402 talk-shows


J’ai toujours pris pour moi chaque occurrence du mot silence. J’entends encore très bien ce cri solennel à la fin du Mépris, sous cette lumière crue de chute d’icare. D’innombrables autres « silence ! » encore vers lesquels je précipite mes antennes de papillon. Oui j’étais de plus en plus fasciné par ces gens qui parlent sans cesse, par les bavardages de tous ordres, les parleurs, les débits de parole, les sujets de conversation, les échanges grands et petits, ce qui se dit, ce qui se parle, tout ce qu’ils ont à se raconter tout le temps, je regardais la TV qui est le grand organe malade de la parole, les talk-shows, n’est-ce pas de la plus grande bizarrerie, des gens filmés en train de parler de tout et de n’importe quoi ne me concernant en rien, j’avais contracté cette fascination pour les talk-shows et leurs sunlights toute cette lumière qui venait s’écraser sur les maquillages de vedettes qui pour la plupart, m’étaient inconnues, je pouvais m’en froisser les tympans pendant des heures médusé.
Ensuite, j’éteignais. J’écoutais, derrière mes rideaux fermés, sans regarder, le vent ou la pluie, toute une sorte de matière météorologique molle, pâteuse, sans âge, rageuse, comme une musique d’éternité.

20160330


Il y a probablement deux ou trois trucs que je peux libérer chaque jour. Sans même regarder ni devant ni derrière, sans forme de regret ou de souffrance. Il y a probablement deux ou trois choses intéressantes, je cherche le mot, pas choses, mais, enfin deux trois données plus ou moins brutes. Une petite structure simple, précise, quadrille, sans fonction que d’être. Sans fonction que d’être (je me répète ça).
Je pense soudain : « un siècle que je n’ai pas fait de lacets » (voilà par exemple une des faces du carré d’infini).
L’avantage d’être aussi peu lu, écouté, de glisser sur les indifférences : la possibilité sans fond de pouvoir tout dire et n’emporte quoi (surtout mais du bon).
Il m’importe de formuler les différents régimes que je porte en moi. Des apparences se saisissent et se dessaisissent.
J’entends, toutes les nuits, la petite fenêtre carrée dans la cage d’escalier, se claquer sur elle-même. Cela a son importance, son poids, dans la désertion programmée, dans ce couloir désert.

journée, ou rêve, je ne sais plus


2015-0622_01038
journée, ou rêve, je ne sais plus.
pas sorti. j’ai reposé mon corps sur la fourrure synthétique pendant une bonne partie de la journée. j’ai exécuté avec brio une seule chose : négliger d’appeler quelqu’un. je ne parlerai à personne aujourd’hui, j’ai décidé. je ne ferai que tordre des bribes de pensée comme des poupées qu’on écartèle.
excellente surprise d’une découverte de placard : des légumes sous-vide, d’une couleur de chairs molles dans leur plastique à l’abandon, se sont révélés à la fois souples et fondants, une fois sortis de leur gaine.
sur le lit face au plafond, j’ai échafaudé plusieurs strates d’un raisonnement (nota : sans intérêt particulier), le poussant dans ses retranchements jusqu’à ce qu’il s’écroule de lui-même.
c’est trop fatiguant de chercher les choses en soi, on ne trouve jamais rien dans ce bordel. tout est vague et horizontal.

j’aime qu’une musique, quelque part, tourne pour rien, et cela pendant des heures, sans que personne ne l’écoute, mise en repeat. j’y trouve un plaisir particulier ; c’est comme si je torturais doucement le silence qui m’en fait voir toujours de plus belles.

puis, un murmure :

de profil dans le miroir
face à la fenêtre noire
j’écoute une chanson constituée du seul mot « girl »

je suis si fatigué
mais dans ce refus du sommeil
— très peu de moyens pour un maximum d’effets —
j’attends la visite de tous les temps passés

comme le regard est sérieux, de face, dans le miroir ;
sous ta langue est caché un ressac sorcier
qui te fait toujours dire : « Jamais ! »