20160703 plus élégamment


je ne sais pas quoi faire ni écrire je me tracasse et tourne-en-rond alors je regarde sur wikipedia la date du jour. j’apprends que c’est la journée du sac en plastique. ce qui me laisse rêveur, c’est parfait, mais non, je regarde à nouveau, non c’est la journée sans sacs plastiques, finie la sérénité passagère. j’aime beaucoup les sacs en plastique, je suis contre leur éradication, j’aime leur esthétique renouvelée, populaire et inaperçue. combien de ces petits faits désespérants chaque jour.
je suis malade alors je regarde la ligne droite de la rue en face. je l’aime à n’importe quelle heure. mais est-ce plutôt la rue ou la vue, je ne sais pas. c’est les incessants camions de la poste bien sûr, et c’est les gens qui vont et viennent. c’est un passage secret, secret c’est-à-dire anodin.
une sorte de grippe de mois de juillet. je ne sors pas. je regarde les nouvelles sur google actualités. c’est une vision moderne de l’enfer à laquelle je n’ai à opposer qu’un yaourt, qu’un flan, enfin un truc de frigo. ma fierté est vibrante mais immobile. comme un brocoli, euh non un colibri.
je vis heureusement avec un pianiste discret qui se parfume à l’iris. qui est aussi moi, et qui ne fait rien aussi, mais plus élégamment.

20160225


Aucune pensée enroulée suffisamment sur elle-même digne d’exister, de rivaliser avec le jour. Ouvrir une boîte de conserve de blanc et se la renverser sur la figure.

Je t’ai appelée ce soir. Je te rappellerai demain. Tu ne m’as pas répondu. Tu ne m’as jamais répondu. M’as-tu regardé ? Tu ne m’as jamais regardé. Non plus. Je t’ai appelée dans la rue, à travers le flot des voitures. Qui couvrait mes larmes, ma voix bien trop faible. Mes fausses peines. L’emballage de l’existence, l’ . J’avais le cœur dur et blindé. Avant de te connaître c’est-à-dire simplement de te voir, de t’ouvrir mon visage. Aux mille effrois du sans-titre. J’ai soudain peur des phrases qui mènent à la surprise, et c’est leur lot pourtant. Je voudrais savoir quoi prononcer à trente exemplaires signés et numérotés. J’écris n’importe quoi pour rester éveillé, pour ne pas disparaître.

vous a cru


Que faire, trop de trucs en cours, trop de pièces ouvertes, de pièces jointes. Trop de notes, de brouillons. Prolifération des friches. Qui m’accompagnera là-dedans ? Drôle de question, c’est un peu pathétique. Mais l’instant d’après, ce n’est pas grave. L’instant d’après, c’est même bien. T’inventes une pente à remonter. C’est une tragédie de boulevard dans ma tête. Des événements font dérailler le quotidien, comme par exemple le beau verbe d’épauler. Il y a ces êtres qui transfigurent le banal en se griffonnant le visage. Tous les jours ici et là, du rosâtre se mêle au pâle. Pour donner une idée de la vie. Le seul être authentique, c’est l’être un peu plus nul. Être ou ne pas être un peu plus nul. À partir de là, plus le choix, il ne faut plus reculer.
Tout à l’heure, dans la rue… Pas besoin de compléter, c’est une phrase qui suffit comme phrase. La phrase se suffit. Il faut moins d’intermédiaires, et plus de vent. Dix minutes de paroles floues mais disponibles. À disposition dans la boîte à gants. « J’ai gardé le même numéro » (je réponds à quelqu’un qui me demande). La déconcentration, les mots de passe, tout ça. Baie béante dans laquelle je baille. Quand plusieurs phrases viennent en même temps, vous choisissez laquelle ? Avez-vous déjà osé parler de vous ? Est-ce qu’on vous a cru ?

2015-1215_logs

octobre – persévère


2015-1001_01042_1
octobre, tu penses à quoi ? à une image sur un calendrier modern-style, accroché au fond d’un couloir, et dont on ne tourne plus les pages (je le fixe). c’était bien comme ça, octobre, un repère, un couloir. peut-être un piano qui joue pour personne, des persiennes un peu sales qui se blessent sur le ciment. je me persuade que tout est encore là, dans ce rectangle qui persévère, et le sol luit sous un soleil qui est vip. pourtant, il manque un truc, un truc qui serait « familier ». je sais pas quoi, comme une signature au tableau. il y a un plexiglas élémentaire qui recouvre mes pensées, qui les préserve du froid. mais j’ai les mains dans les poches, au fond desquelles il y a souvent un peu de givre. j’attends qu’on me prenne en photo (je me fige), mais ce n’est que la porte d’entrée du voisin qui claque. il rentre ou il sort, c’est pas plus compliqué que ça. sa « femme est partie ». il est sûrement « en dépression ». il est victime de locutions. il a aussi « un problème avec l’alcool ». ces expressions, aussi crues que celles que je lis sur les dépliants publicitaires. on s’en sert, on les plaque. mais je tiens pas en place et j’ai besoin toujours de voir si tout est encore debout. par exemple cet échafaudage en face (je vais à la fenêtre), qui vient d’être installé. je trouvais qu’il partait mal, au début. il avait l’air planté un peu de travers, je regardais perversement s’il n’allait pas tomber, sous mes yeux, en emportant ceux qui le construisaient, j’attendais, j’attendais. mais il ne tombait pas, il s’élevait au contraire. les flèches du temps vont dans tous les sens et vous percent de toute part. il y a une série de vignettes en désaccord, et qui font la rue, et qui font la vie. j’ouvre la fenêtre, et le vent fait bouger la page du calendrier au fond du couloir. ce qui est bizarre, c’est l’image ; quand elle vous tourmente l’œil, à distance.

ruses de la ville


2015-0928_01041_1
Je repense aux rues de la petite ville de S. C’étaient des rues très mal éclairées, qu’il fallait autant imaginer que parcourir pour les faire exister. Des rues dans lesquelles on pouvait marcher de nuit sans se faire remarquer. Les voies étaient étroites, il n’y avait personne, les gens avaient cette habitude de dormir. Et nous, de marcher, en murmurant. Les murs transpiraient une sorte de foutre minéral sombre dont on respirait en passant l’odeur d’encens poussiéreux. Si on les touchait, ces murs, c’était une texture de gâteau brisé, de miettes. Je me croyais à Prague, à chaque fois que je passai sous un réverbère, j’inventai une généalogie en déclin. C’étaient des nuits de petites tragédies, martelées sur le pavé, et tout aussi vite oubliées. Quand on marquait un arrêt, c’était qu’il allait se passer quelque chose. Parfois l’échange d’un baiser imprécis ; ou une transaction quelconque. De temps à autre un oiseau s’envolait à notre passage. Pourquoi ne dormait-il pas ? C’était peut-être déjà l’envol du matin, quand les mains sont froides, que les corps des dormeurs se sont séparés à jamais pendant leur sommeil. Merveilleux hivers parfaitement somnolents et sans heures, ne semblant jamais finir, et dont les sons étaient intégralement bannis ! hormis celui de la neige, de nos pas de chute s’enfonçant. L’unique couleur que je revois, en y pensant aujourd’hui, était celle de cette petite bouteille d’éther, ce bleu translucide qui accrochait si précisément la lumière. Personne n’avouait y toucher, mais le niveau tremblait quand même toujours doucement, semblant parler. Ça se passait dans la pièce du fond. Des mains, sur des torses, des vagues tièdes de fatigues. Nous nous amusions beaucoup, mais en gardant tout notre sérieux et sans jamais sourire. Moi, je regardais, pour plus tard. Quand on cherchait quelque chose, il fallait faire glisser de lourds et bruyants tiroirs. Dans lesquels il n’y avait pas tellement d’objets, ni d’espérances. Les tissus des vêtements étaient plus épais que nos remords, facilement volatils, et nous avions l’impression, en marchant dans ces rues noires, de traverser des draps déchirés.

2015-0928_01041_2

2015-0928_01041_4

2015-0928_01041_6

quatre lignes


je voulais que quatre lignes, quatre lignes que je pourrais écrire là ce soir, me sauvent, me sauvent de la transparence absolue dans laquelle j’ai passé ma journée. j’ai promené une sorte de désespoir portatif et invisible dans les rues. rues, nues. j’avais ces phonèmes en tête. transitoire, l’humeur hésitante entre le bus et l’abribus, haletant. rentré, je n’ai plus qu’une envie lointaine et vague, dont j’imagine ou espère qu’elle me sauverait : revêtir la plus grande impudeur…
et je n’ai pas écrit ces quatre lignes.

beautés_banales, escalator


2015-0307_esc

beauté d’un escalator, figé. celui-ci est intérieur. une manière de désapprivoiser le vertige. je m’arrête à mon tour. j’ai l’impression qu’il n’y a plus rien, que telle une boîte de conserve le monde s’est vidé. j’ai l’impression cependant d’en percevoir le bruit fantôme, le roulement de sommeil. je ne sais pas s’il va se remettre en marche et m’inviter à monter, ni vers quel endroit inconnu où peut-être l’on m’attend déjà. ou si à l’inverse, une personne va s’y présenter et en descendre, se dirigeant vers moi dans ce lent et continu mouvement sans effort, robotique, tournant à mesure son visage à mon endroit et bouleverser mon mode d’existence par sa carnation, son vêtir, la parole qu’elle va m’adresser. c’est un silence où toute projection se dilue, rien ne se passe qu’une contemplation basse, secondaire, la conscience qu’il devrait y avoir autre chose me remplit d’une joie à son tour mécanique, en pause ; de courte durée, et qui menace de s’inverser à la peine. suis-je le seul ? devant un dieu d’entrailles. de marque oracle. où plus personne ne se toise. depuis combien de temps. un cadran doré. tout cela se passe sans moi. je ne pense à aucun agencement, ni à la complexité fragile de l’ensemble. je me retrouve comme devant un cerf en soir de campagne, son regard couvrant le mien. où êtes-vous ?