20170220 light drizzle


je colle des phrases : je parle brièvement à quelqu’un qui travaille dans la « communication de crise ». l’expression me fascine, je la trouve belle et romanesque. est-ce tant opposé. est-ce qu’aller au supermarché faire ses courses est la négation de l’écriture ? causerie qu’a rien à dire. c’est l’anniversaire ou je sais pas quoi de Warhol, Andrew, Andy.
un livre sur quelqu’un qui adore les chiens ? un livre sur quelqu’un qui déteste les chiens, qui promène des chiens, qui vend des chiens, le chien comme monnaie, comme objet de réel, bref non à tout.
mais une histoire, c’est difficile, parce que c’est quelque chose de très grand (comme un vêtement). c’est-à-dire que c’est tout un défilé. et aussi je veux lire lire lire lire. qu’est-ce que je pourrais bien raconter. une vie inintéressante comme la mienne. la vie qui regarde la vie. la vie qui enlève ses habits. la vie qui se demande, la vie qui fume une cigarette, la vie qui gratte. oui à tout.
j’étudie toutes sortes de personnalités. d’une seule passion.

20160709 toboggan


je rêve (endormi) du mot toboggan. piétiné par des bottes en caoutchouc, roses, jaunes, bleues, claires comme un visage d’été. cette souffrance de parc criard pour enfants. je rêve (éveillé) de phrases qui soient libérées des verbes. je les écris, et je les relis comme on les lècherait. rêve de faire des trucs organiques aux choses, aux mots, que les pratiques soient désordonnées, écrire un poème avec une fourchette.
confronté à l’impossibilité d’écrire, il me semble cependant qu’il s’agit là d’écrire néanmoins, que c’est bien la même chose. la demi-seconde d’après, épouvante à nouveau devant la page verticale, l’écran est injecté de sang à force de me regarder, de regarder le vide dans mes yeux. même pas un billet de dix à me filer. juste un peu de sueur là et là. sueur dans l’œil de trop de vide.
il faut deux lignes vivantes qui sautent au visage, un seul mot nouveau qui annihile les paragraphes liquides et ces répétitions qui se veulent neuves mais ne font qu’ânonner.
l’été c’est quand les corps deviennent collants, ne trouvent pas de bonnes positions pour dormir, qu’il y a plus de bleu, que les odeurs sont plus mélangées, volatiles (« un mélange d’odeurs d’essence, de salon de coiffure, de mésange envolée : l’été »).
j’aime entendre le souffle de la ville rendue disponible. un temps de chansons désespérément gaies qui sortent des vitres des véhicules, de pailles dans l’œil. les sourires sont plus blessants, les gens plus nus. et moi, j’hésite davantage, dans les climatisations.

20160225


Aucune pensée enroulée suffisamment sur elle-même digne d’exister, de rivaliser avec le jour. Ouvrir une boîte de conserve de blanc et se la renverser sur la figure.

Je t’ai appelée ce soir. Je te rappellerai demain. Tu ne m’as pas répondu. Tu ne m’as jamais répondu. M’as-tu regardé ? Tu ne m’as jamais regardé. Non plus. Je t’ai appelée dans la rue, à travers le flot des voitures. Qui couvrait mes larmes, ma voix bien trop faible. Mes fausses peines. L’emballage de l’existence, l’ . J’avais le cœur dur et blindé. Avant de te connaître c’est-à-dire simplement de te voir, de t’ouvrir mon visage. Aux mille effrois du sans-titre. J’ai soudain peur des phrases qui mènent à la surprise, et c’est leur lot pourtant. Je voudrais savoir quoi prononcer à trente exemplaires signés et numérotés. J’écris n’importe quoi pour rester éveillé, pour ne pas disparaître.

ekʀi:ʀ


2015-0902_04024
en mangeant mon sandwich — je n’avais pas envie de préparer à manger, je me disais, mais je n’ai rien à dire, à manger, rien à écrire, pourquoi écrire, puisque je n’ai rien à dire. c’est très embêtant. mais est-ce que je peux trouver une réponse, une solution ? écrire comme une simple manie de grapho manie, d’annotation, ça ne sert pas à grand chose, par rapport à l’investissement de temps. cela n’a aucune utilité pour moi ni pour les autres encore moins. quoique. j’aime bien et au hasard des mots on ne sait jamais, des fois qu’un égaré y trouve une raison à sa folie. le problème entre écrire, et porter de l’amour. il y a un rapport, un creusement. est-ce qu’il faut des idées. je n’en ai pas. pas d’idées. no idea. noidea. noideas. écrire sans amour ça ne sert à rien. c’est un peu le drame, et sans glace. c’est pourquoi il faut écrire, alors ? parce qu’écrire sans amour n’est rien, alors il faut écrire.

Tes yeux me font mal, ils sont liquides, ne me regardent plus, ils ne dessinent plus l’impossible, ne parlant que par jets d’eau froides, incomplets…, la peur est en face des trous, tes yeux ne sont plus mes contours, ni des objets de première nécessité.. Est-ce que sans eux j’existe encore, je n’existe peut-être plus que trois minutes par jour quand le jour atteint ma fenêtre, après, je ferme les volets. 

En cas d’océans, rendez-vous au café. 

tant pis, si ce sont des tout petits bouts de phrases, et bien, ce seront des tout petits bouts de phrases, on verra bien. ça racontera peut-être quelque chose. quelques détails. pas un roman-fleuve mais tant pis. je n’aurai qu’à inventer le roman-ruisseau, le roman-fuite d’eau. fuite-moi ; après tout, on jouait bien avec des chambres à air.

pseudo patience


2015-0609_04023
il me semblait que j’étais absent, très absent. mais ce n’était pas tout. je regardais les choses. je n’étais pas absent, mais je me mettais à la hauteur, à la fréquence de l’absence des choses. à leur niveau de « présence en quelque sorte ». quelque chose me disait d’être patient. j’avais ce pseudo, ‘patience’, il y a longtemps. je me sentais un peu comme un mur, il y avait des phrases diverses qui s’écrivaient sur moi. des phrases de laboratoire. je regardais le matin arriver. les mots parfois aussi, parallèles à la lumière. je me laissais remplir à moitié, laissant l’autre moitié en repos. j’avais envie de regarder le monde à travers un verre de ce que tu veux. j’avais envie d’écouter l’album en entier, comme on faisait avant. j’imaginais que j’allais ouvrir la porte, sans que personne n’ait frappé, et qu’un homme d’un siècle précédent, gris et courtois, m’attendrait derrière, me saluerait en soulevant son chapeau et en murmurant: « bien aimable… ». tout en restant là sans rien faire. mon œil était attiré par la lumière reflétée par les couverts en inox, dans ces petits restaurants où j’allais regarder et manger. je me couchais trop tard. parfois le sommeil me surprenait aux moments les moins attendus. après-midi de sommeil et de stase. je m’hypnotisais je ne sais trop comment mais ça marchait. mais le plus souvent, je ne sortais pas. ou bien je sortais pour sentir des parfums passer la rue. d’autres choses encore. j’attendais le jour pour me coucher, comme si j’avais moi-même été la nuit.

quatre lignes


je voulais que quatre lignes, quatre lignes que je pourrais écrire là ce soir, me sauvent, me sauvent de la transparence absolue dans laquelle j’ai passé ma journée. j’ai promené une sorte de désespoir portatif et invisible dans les rues. rues, nues. j’avais ces phonèmes en tête. transitoire, l’humeur hésitante entre le bus et l’abribus, haletant. rentré, je n’ai plus qu’une envie lointaine et vague, dont j’imagine ou espère qu’elle me sauverait : revêtir la plus grande impudeur…
et je n’ai pas écrit ces quatre lignes.

nos fatigues


différents chapitres d’une ville avec des rotations d’hémisphères, et un bus qui roule en saignant, sans jamais s’arrêter. ces histoires qu’on ne rattrape jamais à cause de la succion des jours et des nuits. étant donné le mystère inaccessible des dancings. je fais des choses en fermant les yeux, pour sentir le velours qu’on oublie et qui pourtant est là. si je me cogne à quelqu’un, se dégage ou réapparaît, quelque part ailleurs dans le monde vaste, un objet coincé ou oublié, qui renaît alors pour être ressaisi. car quelque main obscure est toujours là derrière un rideau, à remuer doucement. comme cette tirelire de squelette qui saisissait en m’effrayant la pièce rouille que je lui tendais. mes souvenirs s’écrivent tout seuls et s’effacent instantanément, mais quelques paires d’yeux passant ont le temps de les lire sur des feuilles d’arbres ou de plantes grasses au matin. c’est probablement toutes ces phrases que je n’ai pas parlées. c’est probablement ces matins qui existent en même temps pour ces couchers et ces levers entre lesquels je n’ai pas envie de choisir, hésitant, voûté sous les coupoles et ne voulant pas du repos, quand arrive ce bleu inquiet et que je reste debout sous le soleil qui paraît comme ton sein mordu.

quand je vois ces paupières, bleu fardées, je pardonne et j’oublie tout, ce cinéma des yeux fermés. au bout des couloirs se trouve toujours ce vêtement, par terre, que tu viens de quitter. j’y touche le brûloir en toi, ton électricité charnelle, ces dentelles abîmées d’un foyer farouche, ton souffle d’hôtel qui me vampe, un café au goût de traces de lèvres. si je m’éloigne un peu c’est juste pour mieux voir. j’aimais, et toujours, quand tu raclais mon vieux fond de désespoir pour le virer en promesses. on se parle en mélangeant les temps. pardonnez ce désordre, mais c’est ainsi qu’on circule. c’est comme si j’entendais l’esprit du roseau ne jamais rompre ; je lis toutes tes pensées à moitié, sous une robe de mariée faite d’allers-retours, qu’on déchire pour en faire de la brume, des tentures de chambres noires. le mystère inaccessible des dancings étant donné. j’avais enfin trouvé une adresse à laquelle envoyer toutes ces lettres qui attendaient en mon for supérieur, âme nuit, et je les écris ainsi les yeux mouillés par des coups de langue invisible, langue charnue qui ne s’occupe que de moi.