il me semblait que j’étais absent, très absent. mais ce n’était pas tout. je regardais les choses. je n’étais pas absent, mais je me mettais à la hauteur, à la fréquence de l’absence des choses. à leur niveau de « présence en quelque sorte ». quelque chose me disait d’être patient. j’avais ce pseudo, ‘patience’, il y a longtemps. je me sentais un peu comme un mur, il y avait des phrases diverses qui s’écrivaient sur moi. des phrases de laboratoire. je regardais le matin arriver. les mots parfois aussi, parallèles à la lumière. je me laissais remplir à moitié, laissant l’autre moitié en repos. j’avais envie de regarder le monde à travers un verre de ce que tu veux. j’avais envie d’écouter l’album en entier, comme on faisait avant. j’imaginais que j’allais ouvrir la porte, sans que personne n’ait frappé, et qu’un homme d’un siècle précédent, gris et courtois, m’attendrait derrière, me saluerait en soulevant son chapeau et en murmurant: « bien aimable… ». tout en restant là sans rien faire. mon œil était attiré par la lumière reflétée par les couverts en inox, dans ces petits restaurants où j’allais regarder et manger. je me couchais trop tard. parfois le sommeil me surprenait aux moments les moins attendus. après-midi de sommeil et de stase. je m’hypnotisais je ne sais trop comment mais ça marchait. mais le plus souvent, je ne sortais pas. ou bien je sortais pour sentir des parfums passer la rue. d’autres choses encore. j’attendais le jour pour me coucher, comme si j’avais moi-même été la nuit.
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trompe-l’œil
Sauver la journée, par quelques lignes, parce que le réel n’a fait que décevoir, aveugler, décourager, par l’accumulation incessante de contrariétés même pas décisives, simplement par la petitesse, le décousu en toutes choses, comme si votre envie de bricoler était rendue impossible, du fait d’outils trop grands pour les pièces à manipuler.
Se déposer, à défaut de me reposer. Car je sais, que dans un double fond qui échappe à la vue, à la conscience, il y a un dépôt, secret, peut-être dérisoire, peut-être inestimable, qui se fait, qui s’escamote encore, une valise prête pour le jour où je la découvrirai.
Je suis sorti sur la rue à l’heure où les gens dînent, où les magasins ferment, il y avait cette pluie et quelques touristes trop peu vêtus, ils hésitaient en regardant les plaques, je me suis mis sous le store d’une joaillerie fermée (impossible d’y acheter un brillant, toujours vouloir acheter un brillant devant la grille fermée d’une bijouterie), je m’y suis mis pour regarder, être entre deux rues, regarder, je ne sais pas, il n’y avait pas grand chose, la pierre qui ne brille pas, quelques marcheurs, l’épicerie vide, la ville au ralenti ; et pendant quelques secondes, quelque chose, une impression très ancienne, est repassée dans ma zone de trouble, en suspension à hauteur de mes yeux comme un drône. J’ai pu la fixer un instant, la respirer seulement, il était impossible de faire appel aux mots ou aux images, je sentais que ça allait faire fuir encore plus vite la sensation. Il n’y avait rien à en dire, il fallait composer avec ce pauvre clignement, une apparition de rien, cette basse tension, cet impossible à dire, une ruine, ce genre de ruines dans lesquelles on déambule sans même d’abord le savoir et qu’on ne remarque qu’en en sortant, plutôt qu’on ne les admire de l’extérieur avant même d’oser y entrer.
Il me semble que la sensation était logée, vibrante, dans les coins de mon champ de vision, qu’elle en saturait les teintes, et qu’elle entrait en collision avec le souvenir de quelque chose qui lui ressemblait, comme deux calques approximatifs, à des années de distance.
J’ai toujours cette envie de me retourner, pour essayer de sauver quelque chose, entrevoir in extremis un visage derrière mon épaule, je cherche la coïncidence de l’occurrence unique, l’encore jamais meurtri, une patience de pierre, un tour de passe-passe, l’illusion incisive.
poème d’ennui /1
-ou bien plus jamais et tout refroidissait
-comme le clandestin heureux qui existe peu mais bien
