20170123 électro-ménager blues détraqué


des procès honteux faits à, des révélations inattendues, des règlements de comptes en série, du porno bio. il manque chaque matin la parole des écrivains. on n’en a pas fini avec l’excès de simplification. tu branches la cafetière et voilà qu’elle se met elle aussi à éructer comme si elle était sur un réseau social quelconque. ce qui était un lieu à part, un lieu de création et d’étonnement est devenu sur lequel il faut vomir à l’entrée.
il n’y a pas toujours une parole prête à répondre à un discours, c’est le problème que je remarque.

qui s’occupe de moi aujourd’hui, qui vient me nourrir, me chercher. qui vient me laisser aujourd’hui. je veux lire, je veux regarder par la fenêtre, je veux le minimal cold electro wave pour laver les plaies silencieuses. please no messages, no todo at all. voilà qu’on me demande d’exister, par ci et par là. je ne suis pas un four à micro-ondes dont on appuie le bouton boost sur quelque trente secondes. mais je veux bien trente secondes d’éternité par jour. je peux décider d’aller retrouver le cercle de l’enfer des hypermarchés, de tirer à la carabine sur le lac. rien ne m’est conseillé au téléphone lorsqu’on me démarche. c’est pourtant l’heure à laquelle je ne devrais pas être chez moi, à caracoler brillamment de main à main. pendant que vous regardez les statistiques, ou les vidéos de distraction qu’on aura postées pour vous, pour vous éloigner de vous.

20160402 talk-shows


J’ai toujours pris pour moi chaque occurrence du mot silence. J’entends encore très bien ce cri solennel à la fin du Mépris, sous cette lumière crue de chute d’icare. D’innombrables autres « silence ! » encore vers lesquels je précipite mes antennes de papillon. Oui j’étais de plus en plus fasciné par ces gens qui parlent sans cesse, par les bavardages de tous ordres, les parleurs, les débits de parole, les sujets de conversation, les échanges grands et petits, ce qui se dit, ce qui se parle, tout ce qu’ils ont à se raconter tout le temps, je regardais la TV qui est le grand organe malade de la parole, les talk-shows, n’est-ce pas de la plus grande bizarrerie, des gens filmés en train de parler de tout et de n’importe quoi ne me concernant en rien, j’avais contracté cette fascination pour les talk-shows et leurs sunlights toute cette lumière qui venait s’écraser sur les maquillages de vedettes qui pour la plupart, m’étaient inconnues, je pouvais m’en froisser les tympans pendant des heures médusé.
Ensuite, j’éteignais. J’écoutais, derrière mes rideaux fermés, sans regarder, le vent ou la pluie, toute une sorte de matière météorologique molle, pâteuse, sans âge, rageuse, comme une musique d’éternité.

avril


qu’est-ce que j’ai fichu, où ai-je mis mes clés, mes affaires, mes préoccupations. j’écris un peu de tout et surtout n’importe quoi dans des carnets de petite taille que je perds, que j’oublie. parfois un peu volontairement, hop, derrière un fourré. j’entends des plaintes perceptibles de moi seul. je suis pensionnaire libre de ces parcs d’après-midi. je signe avec la paille d’un cocktail et le peu d’encre d’alcool qui s’y trouve, sur des tables de bistrots où tu ne viens pas. allez soyons honnête, je ne sais même pas à qui je parle, à moi-même, collectionneur de reflets. j’aime les portes en verre, les battants, les œillades songeuses derrière l’acétate des porteuses de lunettes. tout à coup le pianiste devient lyrique en frappant ses douze notes à dix doigts. je suis le seul à le remarquer. il pense à une fille précise et absente. dans ma tête, je monte le son, je joue la pièce au soleil. les gens sont aveuglés par la lumière de printemps, ils ne me voient pas quand ils passent à mes côtés. des hommes consistants recueillent les suffrages en disant des énormités, je les écoute, j’ai cette passion pour la chose parlée quand elle ne me concerne pas. oui comme des paroles en plomb et en l’air ; ils ont cet aplomb qui m’échappe, et j’ai les oreilles sensibles. le plus souvent, je ne réponds pas à ceux qui m’ignorent, le monde va comme ça, indifférent comme un sous-sol de supermarché. dans la soirée, une fatigue vient me soulager, et moi-même, par fatigue, je ne soulève jamais aucun grand mot.

20160219


Est-ce qu’on peut dire quelque chose de soi dans le métro, ou bien les autres neutralisent sans rien faire toute velléité d’affirmation ou d’énonciation ? D’autres choses parlent plus ou moins, selon leur propre manière : je parcours les placards publicitaires, les affiches diverses qui tentent d’intervenir. J’écoute la conversation enjouée de ces deux Italiennes, je me sens très éloigné d’une parole qui serait susceptible de me venir. Ce serait un événement qui outrepasserait la parole, ce serait même une sorte de contre-parole, quelque chose qui contredirait le cours normal. On s’arrête dans un tunnel. Les lumières s’éteignent et la machine s’interrompt. Tout le monde baisse la voix. Nous sommes dans le noir, comme dans une salle de cinéma. Mais les écrans sont dans nos paumes, et nous ne savons qu’en faire.

La cinéphilie de mon adolescence était faite de désir et de frustration, alors qu’aujourd’hui les ressorts en sont complètement inversés : tout est accessible presque dans l’instant, c’est très différent. Pour moi, voir un film était un événement quasiment rare. Je passais plus de temps à lire des articles, à rêver en consultant des synopsis dans Pariscope ou à feuilleter dans tel livre, bien sûr sans le posséder, à rêver sur les photos d’Alice dans les villes.