je t’aperçois et j’ai tout de suite le souffle coupé. beauté non-diffuse, brute, la question ne se pose pas. chercher sans réponse. il suffit de trouver une manière, une façon (main, faire). une sorte de panique des sens. mal faire. fuir la foule, foraine. bousculades. démesure de tout ce qui est perdu. soudain je comprends quelque chose. de l’ordre des penchants. je ressens cette émotion si particulière où le ventre est comme traversé par un souffle qui emporte. une sorte de lyrisme totalement invisible, intérieur, puissant, et qui me porte. histoire qui s’est retinée. tirée par les cheveux. qu’on répète à défaut. la beauté débordant de l’œil unique, amas de couleurs éventrées. qui me rentre par les yeux. beauté de l’action précise, physique, de chaque rayon porté sur les objets. propageant les impulsions chirurgicales et narratives. commandements multiples, sans territoire précis. ce bruit permanent qui me permet la concentration. repartir de rien, sans main devant la lèvre mate. impossible visage de n’importe qui. n’est-elle pas la sœur jamais arrivée. l’incarnation d’un tu qu’on ne prononcera jamais. insoumission, disparition. il faut partir, sans se retourner. je me souviens avoir trouvé si belle ton écorchure au coude, glacis rouge et violacé. un peu de salive pour la faire briller. l’aimée.
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tout est vrai
Il y avait des rues désertes et des rues pleines. Mais Paris me semblait vide, j’ai eu plusieurs fois cette impression ces derniers temps. Sinon vide, très ralentie, cathédrale. Je ne sais pas, question de moments, de carrefours.
Peut-être que quelqu’un n’a pas encore joué son coup.
J’ai trouvé que les mannequins étaient un peu tristes dans leurs vitrines, je ne sais pas, question de circonstances d’un premier jour de soleil. Le soleil porte toujours déjà la trace de sa disparition. Et peut-être avaient-ils tout simplement envie de sortir à la lumière. Il y avait beaucoup de robes, j’ai remarqué les robes en premier, bien avant l’air des mannequins dont j’aime toujours le beau visage plastique. Il y a tant à écrire sur les robes. Mais cela, pour commencer : les bruits multiples des robes.
Dans une galerie. Un homme perplexe devant un tableau se demandait à quel moment les personnages allaient y entrer pour y figurer. Il regardait et disait à voix mi-basse, désarçonné : « les personnages, où sont les personnages ? »
Il ne savait pas que je l’entendais, ou bien s’en foutait, ou il savait que j’allais réutiliser sa phrase.
Moi aussi, j’étais dans cette même galerie, et une femme est venue me serrer la main. C’était la peintre, elle aimait comment je regardais ses tableaux. On s’est observés pendant quelques minutes, j’ai essayé de la voir comme à l’instant je regardais ses peintures. Du reste elle portait un parfait maquillage, avec de beaux yeux de peintre qui imaginent tout. Pendant qu’on se dévisageait, les tableaux nous regardaient nous taire.
Il y avait aussi d’autres tableaux, très noirs : des femmes en robes sombres, et toujours de dos. Vraiment.
Me revient quelque chose que j’ai entendu, aussi. À une terrasse de café, je crois ? Ça me paraît quand même un peu bizarre. Ou alors c’était dans un rêve, franchement, là, je ne sais plus du tout. Mais je vois bien ces deux types. Ils parlent d’avocats aveugles dont les réunions se passent dans le noir. Il y a des sous-entendus qui m’échappent.
Je me sens comme soulagé de vidéos que je n’aurais pas regardées (sentiment un peu confus, mais c’est ainsi) ; à la place j’ai regardé des photographies de Robert Walser.
J’aimerais bien avoir le portrait de Robert Walser peint sur un oeuf.
J’imagine et envisage d’écrire une « Histoire du Cinéma les Yeux Fermés ».