Violette de novembre


Violette était une fille de novembre, oui une fille de. Elle ne parlait jamais de sa famille, de ses liens, seulement de l’hiver ou des rues. Quand je regardais dans ses yeux ou dans l’obscurité et qu’elle était à côté de moi c’était comme de se glisser dans un trou de fourrure. Il y avait le risque toujours plus grand de la vie, de s’en prendre plein et aussi dans la gueule. Les mots devenaient un truc très relatif, pas très règlementaire. Moins important que la couleur du tour des paupières, par exemple, ou si les poches étaient trouées, et où on allait encore quand ça fermait.

Dans l’obscurité elle semblait s’y fondre parfaitement. Il fallait vraiment que j’écarte les yeux pour la voir alors qu’il y avait les lumières de la ville toujours un peu lunée qui pourtant filtraient à travers les rideaux et permettaient de percevoir la chambre minimale. Je voyais les objets autour de nous, j’avais l’impression d’être seul, j’entendais sa respiration. Elle adorait le silence, et parfois de sa belle voix grave elle le découpait comme un voile de plastique chirurgical, prête à opérer. Je distinguais à peine une ombre qui était son ventre probablement. Elle réfléchissait très peu la lumière, l’absorbait toute. Violette détrônait ultra la lumière. Quelle drôle de déesse a posteriori. Elle parlait sans cesse de se marier, mais jamais avec moi. Et j’aurais été assez con pour accepter. Il y avait toujours des bruits inexpliqués quand elle venait chez moi, sans que je n’en tire aucune conclusion, sinon la simple remarque qu’elle même vivait dans une maison étrange, déserte, énorme alors qu’elle était presque sans ressources, logée là par un type que je n’aurais jamais vu allez savoir s’il existait. Elle disait qu’il passait sa vie dans les galeries d’art et je finissais de l’imaginer lui-même comme une sorte d’œuvre congelée et sinistre.

Le matin pas très réveillé je regardais ses fesses remuer pendant qu’elle se maquillait dans la salle de bains. Elle laissait toujours cette porte ouverte et pour me parler. C’était tout un art du bariolé. C’était le matin qu’elle aimait faire toutes sortes d’hypothèses. Je pourrai en retrouver certaines et les noter ici.

Aujourd’hui je n’ai aucune idée d’où elle pouvait bien aller après s’être préparée. La seule preuve que j’avais de son existence étaient ces longs cheveux noirs qui restaient sur le carrelage de la salle de bains, qu’il m’arrivait de contempler religieusement. Je ne sais pas quel était son métier, son activité, comment elle passait ses journées. Comme si elle ne faisait que disparaître, puis réapparaître.

Violette de novembre. Tu fleuris quand même où tu peux. Dans les restes peu glorieux du souvenir.

journée, ou rêve, je ne sais plus


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journée, ou rêve, je ne sais plus.
pas sorti. j’ai reposé mon corps sur la fourrure synthétique pendant une bonne partie de la journée. j’ai exécuté avec brio une seule chose : négliger d’appeler quelqu’un. je ne parlerai à personne aujourd’hui, j’ai décidé. je ne ferai que tordre des bribes de pensée comme des poupées qu’on écartèle.
excellente surprise d’une découverte de placard : des légumes sous-vide, d’une couleur de chairs molles dans leur plastique à l’abandon, se sont révélés à la fois souples et fondants, une fois sortis de leur gaine.
sur le lit face au plafond, j’ai échafaudé plusieurs strates d’un raisonnement (nota : sans intérêt particulier), le poussant dans ses retranchements jusqu’à ce qu’il s’écroule de lui-même.
c’est trop fatiguant de chercher les choses en soi, on ne trouve jamais rien dans ce bordel. tout est vague et horizontal.

j’aime qu’une musique, quelque part, tourne pour rien, et cela pendant des heures, sans que personne ne l’écoute, mise en repeat. j’y trouve un plaisir particulier ; c’est comme si je torturais doucement le silence qui m’en fait voir toujours de plus belles.

puis, un murmure :

de profil dans le miroir
face à la fenêtre noire
j’écoute une chanson constituée du seul mot « girl »

je suis si fatigué
mais dans ce refus du sommeil
— très peu de moyens pour un maximum d’effets —
j’attends la visite de tous les temps passés

comme le regard est sérieux, de face, dans le miroir ;
sous ta langue est caché un ressac sorcier
qui te fait toujours dire : « Jamais ! »