20160301


Pour certains, les mots sont des objets qu’ils manient en les admirant, comme ils le font des fleurs, des oiseaux, de la nature. Je vois plutôt ça comme des objets bien plus terre à terre, brisés ou hors d’usage ; un flipper qui ne marche plus, qu’est-ce qu’on en fait ; on le jette, ou on le garde car on l’aime bien quand même il sert à rien ; des machines dont on ne sait plus exactement la fonction, des bouts de métal sans plus d’utilité et dont la beauté viendrait de mon désarroi à leur égard, et qu’on frappe les uns contre les autres en espérant une étincelle.

rouge au hasard


je lui tends mon briquet – et c’est toute une indécision qui se pare
il y a toute la nuit dans ce briquet en plastique – l’envers de la nuit peut-être
son visage est dévoré par les bords — je n’attends plus que ses mensonges — accoudé où ça fait le mal
j’ai l’impression qu’il est beaucoup plus tard — est-ce parce que rougissent des joues aux hasards
faisant circuler un ordre revolté contre la beauté ?
je ne veux rien savoir de son sourire épine
son cheveu dans l’œil c’est le dernier véhicule l’astre qui flamme
c’est l’heure où ce qui emporte n’est pas ce qui importe –
roulent des confusions – on nous prend pour un autre – des mains aggravent les situations
on prend les mauvaises voitures les mauvaises décisions – tranchant coupable – perfusions –
l’émotion est une voie de garage ; fatiguée
des rings fins tissés autour de nous définissent l’humeur pâle dont se modèlent les figures
c’est déjà la jade heure où je me retrouve seul – je marche en cercles concentriques s’obscurcissant –
jusqu’à apercevoir, de dos, des saisons premières, des suicides d’instants – à chaque étincelle
un déshabillement —

poème d’ennui /1

-encore seul chez moi à tenter de joindre deux trois idées tentatives mais personne ne répond
-tu avais dit que tu serais là à minuit de la minute précise
-ou bien plus jamais et tout refroidissait
-à la minute précise où tu jetterais ton manteau à tes pieds l’arme la pincée de sel
-la règle du jeu dans tous les gestes à prise rapide
-définitions imprécises enlever le papier d’emballage mettre la prise électrique charbon ardent
-je pense à l’été cette chaleur qui passait partout acides litres de citronnade
-la patience avec laquelle tu me parlais une langue que je ne connaissais pas
-je me laissais guider par seul l’accent, la langue de l’oeil et quelques pâles étincelles
-les choses belles dont je me foutais en rayon-gps autour de moi
-au fond du décor où j’évoluais chaque protagoniste avait sa vie propre rejointe à la nuit
-sur la banquette noire du bar ouvert la chaise longue la nuit courte le lit de cyprès
-je masquais les marques de ma présence
-comme le clandestin heureux qui existe peu mais bien
-ma seule présence c’était combien j’avais tenu telle main
-les expressions m’avaient quitté l’une après l’autre
-j’avais un lexique nouveau d’un seule poignée de mots prénoms
-pas trop d’histoires suivies mais marcher le long d’un ruban de boulevard les contenait toutes
-comme un blues déshabillé de faits
-une rame gravée d’une phrase dont l’eau efface le sens pour peu que la barque avance
-je voyageais sur les mensonges
-je te trouvais toutes les excuses, par terre ou sous des statues
-c’étaient de simples papillons de papier d’emballages à ramasser brillants
-brûlant à minuit au briquet la minute précieuse
-chemin défait dans l’eau froide
-dans la ville j’imagine quelqu’un lire derrière mon épaule
-le film que je ne vais pas voir préférant les passants
-et répéter les phrases du journal de la veille pour une pièce de théâtre à trois sous
-piano à cru
-avec la marque des dents destin au cou
-que font les gens quand ils ne sont pas là nageurs voleurs aéronautes
-ils regardent une lumière un peu moins vive à travers telle main
-je sais que tout ce que je dis est entre juste et faux
-et synchronisé à l’ancienne mode en morsure de vampire
-comme une faille au plafond pour romancier du présent et romans à ficelles
-cette absurde migraine de tout vouloir justifier
-je ne corrige pas je n’abrège pas
-j’avais besoin de toi comme de google
-j’adressais des marques de silence aux rues de la ville
-réunion de cous et de dos nus il y avait le temps de se perdre et de se trouver
-halo de fêtes et d’ennui dans les bosquets
2013-14035