je n’avais pas envie d’écrire. je n’y arrivais pas. je n’essayais même pas. les journées se déduisaient de tout ce que je n’écrivais pas. écouter de la musique électronique pendant des heures. comme ces yaourts glacés que j’avale en pleine nuit. un son après l’autre. c’est tellement concret. il y en a pour chaque moment. cela s’accorde parfaitement à chaque moment, à chaque version de mon visage. pourquoi il y a tellement de bonne musique, et si peu de bons films. cette question me taraude. pas de discours, pas de démonstration. je vais à une terrasse de café, j’en ai deux ou trois préférées, et je regarde. je me repose des questionnements, je les remplace par l’observation distraite et flottante. les pigeons chassent les moineaux. je remarque une cabine, une dernière cabine téléphonique. inoccupée désormais. je suis peut-être seul, à la voir. elle a cet air morose des boulevards. vers lesquels je me précipite. chez moi la tristesse est cachée. je ne savais pas, je viens de comprendre. une amie l’autre jour me disait que je n’allais pas bien. je m’interrogeai, je ravalais ma salive, je ne savais pas, je n’avais pas remarqué. je regarde trop les autres, sans doute. chez moi la tristesse est cachée. elle prend une apparence banale, elle est presque invisible. je ne la remarque pas pendant qu’elle me colonise. des phares. des carrefours. la nuit je regarde les phares. je regarde les boitiers lumineux verts et rouges des taxis parisiens. pourrais-je aussi rentrer tard bientôt ? je mets un blouson comme si j’allais sortir. j’hésite, je croise ma silhouette dans l’entrée. Ah, tu sors ? Tu dors ici, tu rentres ? Un je fatigué s’apprête à claquer la porte, sonore. c’est tout un film, dans ce bruit. j’enfile un film, qui ne m’ira pas. je me déshabille, je me change je recommence. plaisir des situations. c’est sans doute un peu grotesque. quand je pense à tous ces problèmes, bien réels, je plaide coupable en riant. je me couche, je bluffe. ma blessure sous l’oeil se résorbe. on voit de nouveau ma cicatrice. elle me manquait dans son losange. je me sentais défiguré et puis j’avais mal ça brûlait, l’oeil sec. et maintenant je suis fatigué comme un glaçon dans le whisky. je me regarde, dans le verre. tout cela m’est égal à moi-même. mais tendresse pour les chasseurs de rêves.
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20170312 n’écrire
je crois qu’il m’est impossible d’écrire allongé, ou peut-être est-ce sur le dos, ou bien si je ne suis pas un peu somnolent, s’il fait plus de vingt-quatre degrés ou moins de dix-sept, peut-être aussi le mardi, si quelqu’un d’autre est dans la pièce ou dans la maison, si je dois sortir, aller quelque part dans moins de huit heures, si j’ai quelque chose coincé entre les dents, si trop de lumière entre dans la pièce où j’écris, si j’ai embrassé hier mais pas aujourd’hui, si quelque chose bouge dans mon champ de vision, si je ne sais pas où telle personne est, si mon frigo est trop vide, si ma vie est trop pleine, si quelqu’un est dans un avion, si l’alarme d’une voiture sonne dans la rue, si quelque chose me préoccupe, si je ne peux pas oublier tout le monde, si quelqu’un m’a irrité, s’il y a des travaux, si je ne sens pas une sorte d’aveugle excitation minimale dans le ventre, si j’ai mes ongles même à peine trop longs, si mes mains sont trop sèches, si je sais qu’untel attend de ma part une réponse ou si je dois voir quelqu’un ce jour, si j’ai lu quelque chose de très beau ou de très mauvais, si je pense trop au bruit des autres, ou à l’indifférence à mon égard et si je n’y pense pas assez.
20170123 électro-ménager blues détraqué
des procès honteux faits à, des révélations inattendues, des règlements de comptes en série, du porno bio. il manque chaque matin la parole des écrivains. on n’en a pas fini avec l’excès de simplification. tu branches la cafetière et voilà qu’elle se met elle aussi à éructer comme si elle était sur un réseau social quelconque. ce qui était un lieu à part, un lieu de création et d’étonnement est devenu sur lequel il faut vomir à l’entrée.
il n’y a pas toujours une parole prête à répondre à un discours, c’est le problème que je remarque.
qui s’occupe de moi aujourd’hui, qui vient me nourrir, me chercher. qui vient me laisser aujourd’hui. je veux lire, je veux regarder par la fenêtre, je veux le minimal cold electro wave pour laver les plaies silencieuses. please no messages, no todo at all. voilà qu’on me demande d’exister, par ci et par là. je ne suis pas un four à micro-ondes dont on appuie le bouton boost sur quelque trente secondes. mais je veux bien trente secondes d’éternité par jour. je peux décider d’aller retrouver le cercle de l’enfer des hypermarchés, de tirer à la carabine sur le lac. rien ne m’est conseillé au téléphone lorsqu’on me démarche. c’est pourtant l’heure à laquelle je ne devrais pas être chez moi, à caracoler brillamment de main à main. pendant que vous regardez les statistiques, ou les vidéos de distraction qu’on aura postées pour vous, pour vous éloigner de vous.
20160709 toboggan
je rêve (endormi) du mot toboggan. piétiné par des bottes en caoutchouc, roses, jaunes, bleues, claires comme un visage d’été. cette souffrance de parc criard pour enfants. je rêve (éveillé) de phrases qui soient libérées des verbes. je les écris, et je les relis comme on les lècherait. rêve de faire des trucs organiques aux choses, aux mots, que les pratiques soient désordonnées, écrire un poème avec une fourchette.
confronté à l’impossibilité d’écrire, il me semble cependant qu’il s’agit là d’écrire néanmoins, que c’est bien la même chose. la demi-seconde d’après, épouvante à nouveau devant la page verticale, l’écran est injecté de sang à force de me regarder, de regarder le vide dans mes yeux. même pas un billet de dix à me filer. juste un peu de sueur là et là. sueur dans l’œil de trop de vide.
il faut deux lignes vivantes qui sautent au visage, un seul mot nouveau qui annihile les paragraphes liquides et ces répétitions qui se veulent neuves mais ne font qu’ânonner.
l’été c’est quand les corps deviennent collants, ne trouvent pas de bonnes positions pour dormir, qu’il y a plus de bleu, que les odeurs sont plus mélangées, volatiles (« un mélange d’odeurs d’essence, de salon de coiffure, de mésange envolée : l’été »).
j’aime entendre le souffle de la ville rendue disponible. un temps de chansons désespérément gaies qui sortent des vitres des véhicules, de pailles dans l’œil. les sourires sont plus blessants, les gens plus nus. et moi, j’hésite davantage, dans les climatisations.
20160629 ensemaine
à écrire là, au lieu de même pas écrire, au coin, à l’arête.
en pleine semaine, il y a plus de style dans la danse électronique. aimer la semaine pour ses verres à moitié vides, ses nuits assez désertées. on n’y donne pas de rendez-vous. l’inertie est comme un grand moteur centrifuge. tu regardes la boite de nuit déserte, la piste, son sol luisant de trop d’espace entre les trop rares corps. personne ne regarde, personne. tu préfères la sueur chaude, les dialogues qu’on n’entend pas. tu restes chez toi à fantasmer les fins de nuits de siècles, les densités de population dans des caves oubliées mais fameuses. toujours une histoire d’œil qui pétille et de main qui attire. inutile de se disperser ; la musique électronique, c’est la nostalgie.
20160301
Pour certains, les mots sont des objets qu’ils manient en les admirant, comme ils le font des fleurs, des oiseaux, de la nature. Je vois plutôt ça comme des objets bien plus terre à terre, brisés ou hors d’usage ; un flipper qui ne marche plus, qu’est-ce qu’on en fait ; on le jette, ou on le garde car on l’aime bien quand même il sert à rien ; des machines dont on ne sait plus exactement la fonction, des bouts de métal sans plus d’utilité et dont la beauté viendrait de mon désarroi à leur égard, et qu’on frappe les uns contre les autres en espérant une étincelle.
20160220
Il y a ce petit bout proéminent, tout au bord de l’oreille. Bout de chair sans nom. Je l’ai comme découvert aujourd’hui. Tiens, ce petit bout de chair plus ferme que le reste, cartilage ou que sais-je. Des choses inconnues et si proches. Tout est un peu comme ça, non ? Je n’y avais jamais prêté attention, c’est la première fois. Mais non, je ne veux pas spécialement savoir son nom. Je veux continuer à lui foutre la paix, après tout. Quart d’heure de gloire, c’est bien suffisant. Chacun retourne à ses affaires.
(Rien à voir mais) foutez un peu la paix à vos oreilles.
Il s’agit de trouver quelque chose qui passe le filtre de la « censure ». Trouver quelque chose à écrire pour en quelque sorte masquer ce que l’on ne peut pas écrire. Je ne sais pas, hein. Mais il faut peut-être simplement tenter de réduire la distance entre ces deux points. Et tout ira bien.