à quel degré, à quel volume enregistre-t-on tous les phénomènes que nous rencontrons. en quoi me souviens-je d’une infime variation de lumière, plutôt que d’une histoire importante qu’on m’a racontée, voire de l’existence même d’une personne dont je retrouve une lettre, ou une carte postale, des années après ? ça m’est arrivé, c’est troublant. j’ai ouvert une boîte remplie de courriers, et il y avait une correspondance, avec quelqu’un dont j’étais incapable de me souvenir de quoi que ce fût. le nom, les situations décrites, dans des lettres ou cartes à moi adressées, ne me disaient rien. enfin je sais pas pourquoi j’écris ça ici c’est un fragment de quelque chose, de vie. tout le corps pense pendant que j’écris.
Archives du Tag carte postale
des fermoirs des agrafes
beauté des fermoirs, des agrafes. fin crochet de métal qui vient se ferrer sur le cercle qui retient la pellicule de nacre galbée et sculptée. quel acharnement, que de luttes. une petite boîte arrondie, ciselée. une peau si fine qu’on pourrait voir à travers les secrets. quelle force. arriver jusque-là, traversée des époques, le sang séché n’est jamais totalement effacé. quelqu’un regarde depuis l’ombre, borgne, de ces années noires. dissimulé dans le passage. sur le col, des poussières de larmes, le sel cristallisé. piano mécanique car ils sont tous morts, ou emportés. combien y en avait-il, combien ont disparu. dernier spleen, dernier spécimen.
comme la beauté peut faire souffrir, n’est-ce pas.
Lire la suite
postales
j’ai en face de moi une carte postale en relief, d’un œil qui cligne à l’infini — tant qu’on le regarde en balançant un peu la tête. tant qu’on regarde, tout cela tient.
comme une soucoupe tient ensemble toute la succession des tasses et tous les après-midi d’hiver —
l’ébrèchement, c’est ta lèvre qui tremble —
je reviens de quinze jours ailleurs et depuis hier je m’active à faire le vide, j’ai besoin que les heures me passent sur le corps. je me secoue de la poussière comme un corps se réveille dans un film d’épouvante, sortant d’un buisson ou d’un tas de feuilles mortes où il a dormi cent ans.
j’ai senti différentes épaisseurs d’une chevelure, dans une cage d’escalier entièrement plongée dans une gelée noire. mais, était-ce bien cela ? Ou l’indécence à fils perdus d’un tableau électrique ?
je voudrais manger de la peau d’oignon — car c’est un signe de génie —
comme je ne peux pas prendre le monde dans mes bras, ils restent ballants —
et les avocats, dans la panière à fruits de fer rouge, restent durs, prisonniers de leur entêtement d’écailles, jetables —