Dans je ne sais quel palais.
J’avance sur les dalles d’acier et je me dis que je ne connais peu de plus belles sensations que de marcher sur une œuvre de Carl Andre. Tout est différent, et pourtant je ne fais que marcher. Les dalles oscillent légèrement, et toutes distinctement, chacune à leur manière. Elles sont en variation de couleurs et d’épaisseur. Le bruit discret qui est produit à chaque pas me traverse le thorax, j’en suis à moitié l’émetteur et le récepteur. Frissons et férocité, que je suis seul à percevoir. J’en suis prisonnier, prison d’air libre et de matières, de métal. L’œuvre me soulève c’est une sorte de marée intense et basse, un écartement léger du monde, nous nous supportons vivre mutuellement. Je respire en mieux sur des carrés de désir et de déséquilibres. E. est d’accord avec moi, elle ne dit rien, elle marche. Je pourrais y rester très longtemps, le temps qu’il faut pour enfin arriver nulle part.
Et les sculptures de papier. Ne pas en parler. Je préfère les garder en joue, en moi, à distance de toute parole. C’est une claustration du langage, elle est salvatrice. L’œil lit ou plutôt se promène. Nul besoin de choisir ou d’ordonner.
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Sarah Altmejd
je t’aperçois et j’ai tout de suite le souffle coupé. beauté non-diffuse, brute, la question ne se pose pas. chercher sans réponse. il suffit de trouver une manière, une façon (main, faire). une sorte de panique des sens. mal faire. fuir la foule, foraine. bousculades. démesure de tout ce qui est perdu. soudain je comprends quelque chose. de l’ordre des penchants. je ressens cette émotion si particulière où le ventre est comme traversé par un souffle qui emporte. une sorte de lyrisme totalement invisible, intérieur, puissant, et qui me porte. histoire qui s’est retinée. tirée par les cheveux. qu’on répète à défaut. la beauté débordant de l’œil unique, amas de couleurs éventrées. qui me rentre par les yeux. beauté de l’action précise, physique, de chaque rayon porté sur les objets. propageant les impulsions chirurgicales et narratives. commandements multiples, sans territoire précis. ce bruit permanent qui me permet la concentration. repartir de rien, sans main devant la lèvre mate. impossible visage de n’importe qui. n’est-elle pas la sœur jamais arrivée. l’incarnation d’un tu qu’on ne prononcera jamais. insoumission, disparition. il faut partir, sans se retourner. je me souviens avoir trouvé si belle ton écorchure au coude, glacis rouge et violacé. un peu de salive pour la faire briller. l’aimée.