Quelques films, à nouveau. Only Lovers Left Alive ; je pourrais détester ça (la pose?), mais j’adore. La pose est un jeu, de reflets dans lesquels se regarder, se regarder disparaître. Je regarde le film, par une belle intuition, en vraie pleine nuit, dans un silence complet. Ils sont beaux, drôles, sérieux, touchants. Je prends tout au premier degré ; j’ai l’impression d’une drogue et d’un orgasme, je me coule dans le film sans plus rien sentir d’extérieur, juste adhérer, s’y fondre. J’en oublie les mots. J’y reviendrai de mille humeurs, mais d’abord je l’aime comme un adolescent, pour toujours. (Et j’y reviendrai)
Puis je vais au cinéma, et les bandes-annonces semblent crier au secours, tant tout semble nul dans ce cinéma à l’approche (français en l’occurrence) ; Ozon, Kahn (plan d’un petit oiseau au bout d’une branche tenue), Améris ; je n’aimerais pas être critique, et devoir m’avaler tout ça.
Je ne veux pas parler de Bird People tant tout est manqué dans ce film, à côté, inexpressif, figé. Toujours ce cinéma d’allégories lourdes, qui se fuit lui-même, en désignant tout d’un index grossier. Du plomb dans l’aile.
Le Paradis / Cavalier. Cette réjouissance quand le geste du filmeur reste intéressant à regarder. Il y a (au moins) un plan superbe, le dernier d’ailleurs, si on exclut le tout dernier plan qui sert de support au générique. On entend d’abord un son très étrange, répétitif. C’est une jeune fille, elle frotte une vasque en bronze, ornée d’une frise grecque, ce qui produit à la fois une musique étrange, et des étincelles d’eau. On ne sait pas tout de suite d’où vient le son, à quel étrange rituel elle prend part, car la caméra-main part du visage de la jeune fille, concentrée, mouvante, avec ce son très curieux en off, et puis procède à un plan-caresse, tout en pudeur et désir, descendant vers ses mains sur la vasque, l’eau jaillissant en gouttelettes, finissant ensuite par remonter vers le visage à nouveau, après avoir fait ce tour complet. Une impression d’éternité. Il y a quelques autres beaux plans ou moments, on sourit un peu, et on s’ennuie un peu des répétitions. Mais au moins, on n’est pas à l’abri d’une surprise, d’une étincelle, qui arrive ici et là. La religiosité est énervante, mais le recueillement ou le cérémonial est beau, alors on (je) oscille entre ces deux sensations. Il me semble qu’il n’est pas assez dedans son film, lui, lui-même, Alain Cavalier, qu’il est trop modeste, alors qu’il peut filmer et dire si bien. Lui aussi filme des oiseaux (dont un en plastique, et ce n’est de loin pas le moins expressif), mais comme des oiseaux, au moins, pas comme des idées.
Her est pas mal, un petit charme qui ne tient pas très longtemps. Étrange de se dire que si c’était une vraie fille plutôt qu’un être synthétique, on ne tiendrait pas cinq minutes. L’image est assez belle, et mièvre. Quelque chose de vaguement touchant, on sait pas trop bien pourquoi. Peut-être simplement à cause du contraste entre ces couleurs très vives, et la tonalité du film plutôt mélancolique. Joaquin Phœnix est vraiment très bon ; sa moustache même suscite l’intérêt. Alors que Scarlett Johansson réussit le prodige d’être exaspérante sans apparaître une seule seconde à l’image, puisqu’elle n’est qu’une voix.
Je retrouve surtout cette sensation: comme le cinéma, c’est l’après-midi, s’ennuyer dans la rue entre deux séances, ou entre deux je ne sais quoi.