Le vent lui faisait couler des larmes non voulues, dont elle avait honte et qu’elle séchait périodiquement d’un geste droit et dépourvu d’hésitation, un mouchoir toujours froissé entre les doigts longs, le majeur qu’elle avait seul bagué d’un anneau d’or lourd et crénelé ; elle attendait durant la journée des visites plus ou moins régulières, des hommes venaient la voir qu’elle abritait de gestes répétés et précis, habiles ; dans l’intervalle elle était souvent sur le seuil, l’épaule confrontée à la roche, ne pensant à rien, accueillant les larges rations du vide qui venaient lentement la recouvrir, et reconfigurer ses propres saillies et coordonnées ; elle regardait peu les passants, parfois l’un d’eux s’arrêtait, on ne savait jamais vraiment pourquoi et lui-même d’autant moins. Et lorsqu’il entrait dans la boutique, quelle qu’en fut la raison, cela lui semblait comme s’il changeait de sphère ; dès l’abord les tentures le soustrayaient, il était perforé par les odeurs discrètes mais entêtantes qui ne sortaient jamais vraiment, en couches ; il faisait chaud, c’était peut-être l’intimidation d’une première fois, comme s’il était coupable, et en même temps hors d’atteinte, à l’abri des regards malveillants qui le cernaient dans toutes ses affaires, sans répit, toujours contraint à se dresser sans s’insurger. Et dehors, entre deux passages, les heures coulaient vite pour elle, la larme en berne, statue mélancolique à l’abandon d’un coin de rue, trop visible pour qu’on l’adore, un ex-voto de dépit que quelques-uns visitaient par ouï-dire, parce qu’ils la connaissaient et avaient établi avec elle une part de leur vie, minimale et lointaine, tue