Fictions — Table


NEON 
(…) on s’ennuie aussi à Paris. ce sont les mêmes gestes de solitude. la lumière est déjà corrompue et se coupe sur mes mains en tombant. on m’a vacciné au désespoir. je dors sur deux matelas médiocres posés l’un sur l’autre d’une paix bien précaire qui cesse dès que j’ai les yeux ouverts. l’habitude en décuple l’amertume. (…)

Cl  
(…) Et chaque matin, je me réveille ainsi. Je regarde si Cl a posté une photo. La photo d’une promenade, d’un coin où ses yeux se sont posés, la couverture d’un livre qu’elle lit ou d’un lac, l’obstination et l’absurdité d’une pendule figée par la photographie, le bord de son lit défait avec le motif des couvertures qui toujours recouvre un mystère ; (…)

La Fin de la Nuit
Dans ma tête, un monde fait d’avants. Il y avait un casino. Je rôdais, je fumais dans ces cabines réservées aux fumeurs. On s’y regardait sans rien dire, avec les inconnus présents ; nous, les grands transparents. (…)

Souvenir de la main qui t’a blessé 
Un homme parle à une femme qui l’a quitté — il se parle à lui-même — et à tout le monde. Il n’y a pas de centre. Il fait un portrait. Il se souvient pour ne plus attendre. Il parle pour ne pas être seulement constitué du silence qui tisse sa toile autour de lui. Il divague dans le vrai. Il monologue, il soliloque. C’est un blues de genre encombré fait de mots qui viennent trop tard. Tout ça un peu dans le désordre comme on a oublié de se démaquiller.

Alixe 
Une nouvelle publiée dans la revue Tiers Livre (anciennement nerval.fr). 

ÂmeNoire 
Ce texte a été écrit pour ce livre-hommage à Daniel Darc.

J’ai cette bizarre tentation de mordre une oreille… 
J’ai à nouveau cette bizarre tentation idiote de mordre une oreille. Il y a un monde fou autour de moi, beaucoup de gens en vestes à carreaux, en cravates à pois, en chemises à rayures. Tellement de monde que je ne sais qui choisir. (…)

Sanguines (trois silhouettes). (extrait /1) 
(…) Les après-midi où je ne demeurais pas chez moi, j’occupais les recoins, qu’on retrouve au sein de presque toutes les administrations, réservés aux petits travaux de rédaction d’adresses ou de remplissage de bordereaux divers. (…)

Circé 
Il dit qu’il baise, il répète ça sans cesse, qu’ils baisent, comme si il voulait s’assurer de quelque chose de tangible, mais pourtant sans cesse disparu, comme s’il avait du mal à y croire, peut-être qu’il baise sans y être, en pensant à autre chose, en enfonçant ses ongles dans la chair de passage, comme on presse le bouton de l’étage dans un ascenseur. (…)

Flashes 
Nous sommes dans le noir, depuis plusieurs heures. La lumière s’est éteinte, je ne sais pas pourquoi. Je n’ai pas entendu d’ampoules claquer, ni de plomb sauter.
Mais le noir s’est allumé devant nous, comme un champ de pensées. (…)