Vitres
le train se sépare
À travers les vitres tout ce qu’on laisse
Sans saisir tout passe
À peine la seconde pour le fixer avant que cela n’échappe
Paysages, déflagrations tout reste à l’extérieur
Et tout bouge à l’intérieur de soi
Couleurs au-dehors comme des choses brumées
À ce point du voyage on s’est un peu perdus, un peu plus qu’avant, comme en un point limite
Celui presque au-delà de la marge,
Celui presque de l’invisible,
du retrait aux yeux de la plupart que nous croisons
C’est-à-dire quand plus personne, à cette vitesse de transformation, ne peut plus nous percevoir
Comme ces flashes qui passent au fond du noir
Anna dos à la fenêtre, yeux tournés une fois de plus, écoutant et répondant,
Élémentaire de l’émission/réception, dialogue à nu,
Tout se dit en si peu de choses, dans les coins du dialogue
mis en reliefs, en rapports ;
Et,
précises à la faveur de l’éclairage au-dehors, fragmenté, croisé à la vitesse du train,
minuscules perles de verre
des gouttes d’eau sur la vitre
On a le temps de les voir car elles n’ont besoin que d’un instant,
par là disant beaucoup de leur adéquation au monde.
À travers les vitres aussi longs quais déserts, ou à peine parcourus d’ombres,
quais verts, quais bleutés ; machines roulantes, presque sans formes, traînant des plateformes et des colis, plaques de bois en désordre ; hommes à peine, éclairés par l’arrière; portes noires et hangars entrouverts laissant venir une lumière inquiète ; les angles des choses se voilent et s’interpénètrent, les différents éléments d’une scène ou d’un point de vue ne veulent pas rester seuls, plutôt se rentrer dedans par leurs encoignures ; parfois de toutes petites choses, des étincelles lointaines ou à la limite de la distinction résonnent longtemps au regard, ou échappent comme sous la poussée d’une force souterraine.