je n’en pouvais plus des gens qui posaient
des conditions à leur ennui
je voulais être le seul
à attendre
comme un ascenseur qu’on appelle enfin
ils étaient du samedi moi j’étais du dimanche
du dimanche soir et des intérieurs vides
j’avalais
des couleuvres
des antalgiques
à force d’exposer ma fragilité j’avais les plaies
des plaies ouvertes comme des mondes
qu’on peine pourtant à entrouvrir
dripping de ketchup sur chat noir
j’attends toujours qu’il soit trop tard
laissant venir, saturées de non sens
les sirènes d’ennui
je passe la main sur ta fourrure, liquide, rougie
y déversant mon cœur
à demi soir
je rêve que se vidange l’œil
s’humidifie la lèvre, je rêve
que je raconte une histoire, légèrement désaccordée
à des regards fermés dans un couloir, sans pièges
pour toucher telle notte dans la ville, l’entente secrète
une âme libre qui s’épanche
depuis ma station solitude de service
étant donné rendez-vous au sang neuf des miroirs
étant donné rendez-vous au sang neuf des miroirs
il y a en haut ce pendant sans fermoir qui brille, dite lune
que j’appelle visage vide, vie d’ange
qui éclaire ce rien qui reste
et je sens bien que quelqu’un dans mon dos reconstitue le temps
avec les pages du calendrier que j’arrache
je tourne comme ça en rond dans les cuisines
de soir en soir
à la lueur d’heures pyramidales
comme si le dehors n’existait plus
à ne voir plus qu’à travers des verres sales
leurs traces de lèvres que j’élucide
d’âmes-vitres déjà évanouies
je m’étais juré de ne plus aller, errer
ni ailleurs, ne voir personne
et je suis de partout entouré
c’est venu à moi élastique
ventres, fibres, membranes, bruits,
frissons, néons, couleurs vives,
élevés à la hâte en figures divines
parce qu’il faut bien trouver quelqu’un
à atteindre le soir dans nos venises fatiguées
il y avait la fille du studio hardcore
froissant les moindres centimètres carrés de remords
et aussi celles cambrées en robes mûres qu’on appelait filles de sel
dont on mordait la bouche comme des crackers
en éruptions délibérées de fièvres
mais je m’en fichais j’avais trouvé la solution
une cape dix-sept ans un éclair
faire le tour du quartier en repeat
je revivais décompressé
décompensais extra-luxcide
sans aucun souci que l’instant pressent
juste quelques vagues idées de rouge sur du néant
mais dans l’ardeur qui toujours tout recompose
l’électricité saute et rend le monde extatique
plus aucune concordance dans les temps
les gens se marchent sur les pieds
cette perte soudaine de couleurs m’accable
alors que la vitesse s’accélère
pendant que vous hurlez comme des queues de chats écrasées
éthylistes soigneusement sélectionnés
collectionneurs de fins du monde
dans le noir soudain je pensai
« avec quoi chasse-t-on la beauté ? »
avec deux ailes de cygnes bien saignantes
qu’on secoue mal et fort aux visages
dont on veut se débarrasser
partout circule un air de ramasse-saleté
dire qu’on s’exaltait d’étoiles en plastique
luminescentes qu’on collait au plafond
j’ai encore en tête tous les maquillages croisés dans la nuit
aux yeux fendus par la rouille tels des agneaux mystiques
j’avais toujours enregistré beaucoup de choses
par exemple toi
avec ton déhanchement arythmique
de cigogne, de cogito-rhum, tu te levais la nuit
te cognant au mur pour aller aux toilettes
sans jamais trouver le bouton de lumière
te réveillant dans un théâtre de béton cru
remplaçant tes méditations par des actions mutiques
aiguilles fichées au poignet de la main gauche
tu laissais la porte ouverte
pour un roi de lancelot en panne
je viens quand tu voudras passer des disques dans ta tête
une collection de tubes presque vides
des je t’aime d’objets trouvés
qui nous feront passer pour pharaons ringards
nous donneront le vrai vertige de l’existence
bien plus que ce qu’on a mal lu et les grandes espérances
odes aux dos de paquets de cigarettes
bien trop petits caractères
les griffures que tu collectionnais fière
bal-poussière que tu donnais dans la pénombre
d’un naturel indécis, et Renaissant,
et par tous les synthés discordants
j’ai un petit lion vénitien en moi qui te sourit
j’écarte les pans du jour comme l’éventail que tu agites
oh ce bras tendu, oh l’express Paris-Londres
ah ces gens qu’on irait bien réveiller en frottant
au moment du changement d’heure
une pointe de diamant contre leur poitrine
dans un dancing d’endormis
le poème n’est pas une accumulation de mots
mais de sangs fouettés
c’est un lent bauhaus
de pétro-idées
une machine à âme
des bye-bye résonnant dans une rue à double sens
la voix de quelqu’un qu’on abandonne
une phrase reprise plus tard, ailleurs
déclaration d’amour au hasard
l’envers d’un sous-bock
le sentiment bref mais compact
de la nuit au ventre
au toucher de laine rêche
la perte au coin de chaque immeuble
projecteurs braqués
sur d’infimes parcelles de nous
je vois la foule passer, compacte ;
comme une mer mal fermée et oui — rouge
dont à l’oreille on se passerait le code
et rien qui ne soit marqué d’irréalité
pourtant mon inscription est toute sur tes lèvres
je tourne en rond dans tes fréquences
je te transpire moi-même
si bien qu’à la fin nous sommes un deux et mille
pareils éperdus
out, off
entre room-services et liftings
à négocier virages et camélias