amorfati


mon problème c’est que je n’ai pas d’idées
et que je ne sais pas comment on fait les choses.
je ne sais que tourner, et encore, en carré. rien comme il faut comme il faudrait. je lève la tête vers le miroir qui aussitôt s’embue, me coupe la parole d’un coup de couleur. quelle mauvaise mine, je me fais cette réflexion. je ne sais même pas être rose et avoir le teint frais. mes lèvres, oui pas mal. mais comme un mer où personne ne surfe. ça me faisait mal les jours d’hiver. j’essaie de trouver quelque chose à penser, à dire, à peu importe. un semblant de mouvement. mais la montre indique déjà soixante et une minutes passées dans la stupeur : une sorte d’aberration, qui passe dans les lumières, qui ne font jamais que me frôler, sans peine. je dis stupeur pour éviter de peu stupidité. parfois, je ne suis que regrets plats. je regrette cette seconde, un matin de juillet, sur cette terrasse de café ensoleillée en Allemagne, où je levais un verre d’eau vers le ciel en parlant dans ma paume et à l’autre au bout du monde. je regrette le toucher de la peau du temps. parfois, même respirer est éprouvant. on s’entend vivre, comme un voisin qui sans le savoir dérange tout un immeuble en ouvrant une boîte de conserve. comment est-ce possible ?, et bien c’est simplement qu’on voit de tout dans les grandes villes. je tourne sur moi-même à la recherche d’une phrase comme un chat qui essaie d’attraper sa queue. mais j’opère avec moins de grâce. puis mon œil cligne, me voilà devant une glace, à l’opéra, avec cette jeune fille à peine rencontrée, qui connaît les arias par cœur en descendant les escaliers. ah, c’est facile d’avoir des regrets, ils poussent comme au printemps la mauvaise herbe, les mauvaises pensées.
et tu vois, je me coupe, je suis au bout, je suis au précipice, je n’ai pas d’idées, je n’ai rien à dire.

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