certains jours les réserves de nostalgie semblent inépuisables. il faudrait… aller quelque part. être ailleurs, vivre autre chose. ou tout simplement, vivre. étrange cette nostalgie de la vie comme si j’avais connu… quelque chose de fort. et non pas seulement tourner, tourner au coin, et revenir. récemment, cette ville triste, pourtant. qui ouvrait ses yeux. et pourtant tout ceci qui s’écroule, un édifice. ce n’était donc pas vrai ? il n’y a rien, derrière les façades ? impossible de dire, de deviner le château de cartes des pensées de l’autre. intérêt de façade. les journées étaient longues, je traînais dans la rues. souvent, déjà, les mêmes. peu d’heures de jour. l’hostilité silencieuse de ses habitants. les passants tous comme des abimes marchants, rentrant chez eux, attendant des bus. en un sens, je m’y reconnaissais. ainsi que dans les immeubles, qui ressemblaient à mon enfance, et à ses images. quelques mots dans une langue étrangère. des musées, tous tristes, ainsi que les moyens d’y accéder. les cafés, assourdis, insensibles, narcotiques. presque jamais savoir quoi faire, comme désarmé, inapte. je suis moi aussi un fantôme du passé. une boutique où des jeunes achetaient de l’alcool. il fait un froid essentiel, on n’est qu’en novembre. toutes les peines du monde à acheter un simple paquet de cigarettes. personne ne sourit. si, moi, comme une tentative un peu désespérée d’entrefaillir. je marche le long d’anciennes murailles, je me trompe. les musées sont incroyablement vite visités, et souvent je me trompe, ils sont fermés, ce n’est plus ici, ce n’est pas la bonne collection, le bon horaire. il faut retourner dehors à ne rien comprendre, à se demander ce qu’on fait là. aujourd’hui j’ai toutes les peines du monde à me remémorer précisément qui j’étais à Cr., ce que je ressentais précisément. j’étais comme un animal, et dépourvu de mots. les choses changeaient d’innombrables fois dans la même journée. comme ça me semble loin ! plus loin que certains souvenirs et expériences, vieux pourtant de plus de vingt ans. j’ai peur que Cr. s’efface et s’efface encore davantage, j’en ressens une nostalgie cruelle, extrêmement violente, déchirante. un bruit de vent continu accompagne ce sentiment. et d’ici et maintenant, presque chaque jour, quelque chose me renvoie à Cr., des choses que je lis, des noms de hasards, tout un faisceau d’éléments qui viennent à ma rencontre comme des objets perdus en mer, aussi perdus que moi. j’ai souvent l’envie d’y penser. j’avais suivi des circonstances alors heureuses. sur place, je n’avais aucun but. regarder les portes des immeubles. et finir par laisser s’installer progressivement en moi le désarroi.