Weigen Klagen Sorgen Zagen


weigen, klagen, sorgen, zagen. tu ouvres les yeux au matin trop vite sur le plafond qui déjà t’écrase ou t’aveugle. les yeux s’ouvrent d’un coup trop mécaniques. signes d’usure. déjà tu sens ton dos, tes membres, qui renâclent. cette chaleur de pierre qu’est devenu ton corps à l’absence. chaque matin tu ne te décides pas. c’est une première feuille de refus que tu signes sans la lire. vas-tu te lever. vas-tu rester à contempler le plafond comme s’il était ton dieu définitif. la lumière te délivre quelques messages du dehors, que tu ne veux pas entendre. elle va à la rencontre de ton visage presque à le caresser. c’est comme une créature peu pressée, qui veut bien envelopper ton visage de douceur, lointains présages d’une araignée qui se résigne.
quand tu ouvres ces yeux d’un coup chaque matin, il y a d’abord un souvenir aléatoire qui te recouvre l’esprit. comme si tu n’étais pas toi-même mais celui d’un autre temps, celui de l’enfance ou de l’adolescence, pendant quelques secondes qui te dupent. tu crois revivre tes dix-sept ans, intacts de leurs mystères. mais la boîte à souvenirs se referme en claquant. tout comme dehors se referment les top-cases des deux roues sur les déjeuners qu’on livre, cruellement déjà refroidis.