intempérie, beautés banales


J’aime bien regarder, peut-être les jours d’intempérie, cette espèce de laideur invisible des choses. Les gens ont sorti leurs plus laids parapluies, tous pleins de divers motifs criards, écueils de l’imagination que je peux contempler d’en haut sur cette jungle glissante. C’est très beau en rythme avec cette sensation de perte qui griffe. Vu d’ici c’est le film idéal, c’est-à-dire le film qui ignore qu’il est regardé. J’essaie de retenir l’attention de quelqu’un, mais c’est impossible, personne ne regarde vers le haut. Pourtant moi il m’arrive de regarder vers le haut, depuis la rue, si quelqu’un par hasard me cherchait, m’adressait un signe de connivence. Avec la nuit qui tombe progressivement sur le trottoir apparaît comme une sorte d’empreinte fantastique, l’ombre d’un masque de justicier. C’est l’ombre d’une enseigne, eyewear. J’écoute une symphonie électronique anémiée faite de glitches, d’écho de passé. Par la fenêtre, ma vue se brouille, à moins que ce ne soit l’inverse. La rue est trempée, trempée, à se demander comment elle tient, et des gens se séparent, jusqu’au lendemain ou à jamais, on ne voit pas très bien. Des lumières mobiles, des hésitations, des chips qui ont un léger goût de sang. J’aime bien cette tromperie sur la saison, le volume que prend le son des véhicules qui tracent les rues. Tout est hypnose à qui veut bien l’entendre.