la fiction naît d’une brèche dans un mur


2015-0514_04022Sortant d’un train, dévalant le quai les yeux baissés, juste devant moi je reconnais brutalement quelqu’un à ses mollets. J’allais lui rentrer dedans. Tout moi d’identifier les gens à des détails curieux. J’ai un talent certain et éprouvé pour reconnaître les gens de dos, notamment. Je décélère pour ne pas me faire voir. Elle est d’une autre ville. Je ne veux pas qu’elle me désanonyme, qu’elle me parle, qu’elle brise ce silence tout neuf. Être plus lent pendant quelques minutes. La gare devient accueillante. Tout dépend à quelle hauteur se pose le regard. On est à la fois dehans et dedors et plein de bruits sans paroles. Il y a mille endroits, partout, pour se cacher. Cela, nous le savons.

La fiction naît d’une brèche dans un mur.
(c’était en voyant un Fritz Lang et ça revient à l’instant)

Le soir, Sils Maria. Extrême pauvreté d’un film plein de fric. Mais sans aucune idée. Sujet rebattu cent fois et traité sans aucune saillie. C’est bête mais boursouflé de prétention. J’essaie d’imaginer de jeunes gens exaltés par Sils-Maria mais non, impossible. D’ailleurs le personnage le plus intéressant abandonne le film à un quart de la fin. On s’ennuie donc encore plus. Mais surtout, ça tend à n’être qu’un film de « standing ». Ce qui est très désagréable comme sensation.
Tout s’échappe de ça, de ce film, ce qui est, in extremis, plutôt réjouissant. Impression qu’il ne reste que des symptômes, à la place de personnages ou de fantômes.

Mais sous mes yeux à travers la rue noire, des fenêtres impassibles, dénuées d’intention, rétablissent bien vite une certaine opacité de la fiction.